L’ancien ministre de la Justice socialiste, Robert Badinter, dénonce dans une tribune du Monde le projet de loi gouvernemental en préparation qui vise à introduire dans notre droit pénal la « rétention de sûreté » (« La prison après la peine », Le Monde, 27 novembre 2007). Le condamné, une fois sa peine purgée, pourrait ainsi être « retenu », c'est-à-dire placé dans un « centre sociomédico-judiciaire de sûreté » pour une année renouvelable autant de fois que nécessaire. La décision sera prise par une commission de magistrats, s’appuyant sur des rapports d’experts psychiatriques, si elle considère que le détenu présente une « particulière dangerosité » pour la société. Visant à lutter contre la récidive, cette mesure, si elle est votée, représenterait une rupture radicale dans la conception et l’application de la justice en France. Le lien entre infraction et peine, sur lequel repose notre système pénal, disparaît puisque l’auteur d’un crime peut se voir retenu en prison même après avoir accompli sa peine. Cette nouvelle condamnation à la détention ne se fait alors plus sur la base d’une infraction, mais sur le seul fondement de rapports d’experts quant à l’éventualité virtuelle qu’il commette à nouveau des crimes. Ce n’est donc plus un juge indépendant qui juge des faits, ce sont des psychiatres qui analysent une personnalité, avec toutes les incertitudes que cela peut impliquer. C’est donc la fin de la responsabilité pénale, du jugement sur des faits et de la présomption d’innocence, comme le rappelle Robert Badinter. Un détenu aura beau tout faire pour se racheter et réussir sa réinsertion, il sera soumis en dernier recours, même après avoir « payé », aux hypothèses médicales sur son comportement virtuel. La rupture prônée par Nicolas Sarkozy, qui pense, rappelons-le, que la pédophilie et la criminalité sont des données innées chez les personnes (voir par exemple ses propos selon lesquels « on naît pédophile », ), est en marche, qu’on le veuille ou non, et ses conséquences s’annoncent particulièrement graves.
F. R. B.
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